Le postpartum et ses traumatismes physiques et psychologiques ont fait l’objet d’un débat approfondi lors de la deuxième journée du Ciné-Psy, organisée, samedi à Casablanca, en présence d’experts du domaine médical et psychologique afin de sensibiliser le public à une phase souvent méconnue de la maternité.
Dans une déclaration à la MAP, Pr. Naima Samouh, cheffe du service de maternité et gynécologie obstétrique au CHU de Casablanca, a souligné que le postpartum, souvent réduit à ses aspects médicaux, est pourtant une période déterminante pour la mère, l’enfant et la famille, relevant que si autrefois perçu comme une transition naturelle, il tend aujourd’hui à être minimisé. Il est essentiel de rétablir sa place dans le vécu maternel, a-t-elle martelé.
De son côté, Boushra Benyezza, psychanalyste et fondatrice du Ciné-Psy Maroc, a mis en avant la nécessité de reconnaître la détresse psychologique qui peut accompagner cette période, expliquant que “dans la culture marocaine, on attend d’une femme qu’elle soit heureuse après un accouchement, occultant ainsi les troubles qu’elle peut traverser, certaines mères peuvent ressentir un rejet vis-à-vis de leur bébé ou sombrer dans une dépression profonde, ce qui nécessite un accompagnement adapté”.
Elle a insisté sur le rôle crucial des proches dans l’accompagnement de la jeune mère et a appelé à un changement de mentalité pour briser les tabous entourant le postpartum.
Abordant les dimensions médicales de cette phase, Dr. Aicha Goudni, professeure assistante en gynécologie et obstétrique au CHU de Casablanca, a détaillé les différentes phases du postpartum et leurs risques, précisant que cette période de six semaines après l’accouchement est marquée par des transformations physiologiques importantes, puisque les risques immédiats incluent notamment l’hémorragie du postpartum, qui peut être fatale si elle n’est pas prise en charge rapidement, et qu’à moyen terme, des infections, des problèmes d’allaitement et des complications thromboemboliques peuvent survenir.
Sur le plan psychologique, elle a rappelé que les troubles peuvent aller du “baby blues” à la dépression sévère nécessitant une hospitalisation, soutenant que “la croyance selon laquelle une femme doit être naturellement épanouie après un accouchement conduit souvent à l’isolement de celles qui souffrent. Une meilleure sensibilisation est essentielle pour garantir un accompagnement efficace des jeunes mères”.
Pr. Thierry Delcourt, psychiatre et psychanalyste, a, quant à lui, mis en lumière les conséquences psychologiques du postpartum, expliquant que “si certaines femmes vivent cette période sereinement, d’autres rencontrent des difficultés majeures, notamment après un accouchement éprouvant ou en raison d’un épuisement accumulé. Dans les cas les plus graves, des troubles psychotiques peuvent apparaître, pouvant aller jusqu’au rejet de l’enfant. Ces situations rares, mais lourdes de conséquences, nécessitent une prise en charge rapide”.
Il a néanmoins souligné l’importance du rôle de la famille dans la culture marocaine, qui permet souvent aux jeunes mères de bénéficier d’un soutien plus présent que dans d’autres pays, ajoutant que cet aspect constitue un atout majeur qu’il faut valoriser pour mieux accompagner les femmes en postpartum.
Face à ces réalités, les spécialistes présents ont appelé à une meilleure sensibilisation du grand public et des professionnels de santé sur les enjeux du postpartum. Changer les mentalités, renforcer l’accompagnement psychologique des mères et démystifier cette période essentielle de la maternité constituent des enjeux majeurs pour garantir un bien-être à la fois maternel et sociétal.
La deuxième journée du Ciné-Psy a ainsi permis de briser le silence sur un sujet encore tabou et de souligner l’importance d’un accompagnement global des mères en postpartum, tant sur le plan médical que psychologique et social.
MAP