Entre prolongement de vie, placé sous le signe de l’accomplissement de soi et une phase vécue comme une image morcelée de soi-même, la psychologue et spécialiste des relations familiales, Amina Askar, livre sa lecture sur la question de la vieillesse et sa perception dans la société marocaine.
Dans un entretien accordé à la MAP, Mme Askar revient sur les répercussions irréversibles de la vieillesse sur la personne âgée, soulignant l’importance du soutien social et de l’apport intergénérationnel pour garantir le bien-être de cette catégorie de la population en progression.
1- A votre avis, comment est la perception de la vieillesse dans le contexte marocain?
Le contexte marocain partage avec beaucoup d’autres pays les représentations de la vieillesse, polarisées autour de deux entités radicalement distinctes : d’un côté, l’image du senior actif, dynamique, investi dans la société; de l’autre, la personne âgée dépendante, immobilisée et apathique.
Au Maroc où le référentiel religieux joue un rôle majeur, la vieillesse est perçue comme étant l’étape où l’être humain suscite plus de sagesse et de respect, y compris envers les personnes âgées.
2- Quel regard développe un senior vis-à-vis de la société et de soi-même ?
Cette phase de la vie, dont le point de départ pour beaucoup de personnes est la “retraite”, est constituée de deux grandes étapes, auxquelles se trouvent associées deux images opposées : d’un côté, celle du retraité actif (jeune senior) qui profite de l’existence tout en se montrant utile à ses proches et à la société; de l’autre, celle de la “personne âgée dépendante”, souffrant de solitude et qui doit être “prise en charge”. Une personne ayant atteint un âge avancé s’offre à des comparaisons tantôt dans le temps, tantôt avec les jeunes qui la côtoient. Le résultat n’est pas toujours concluant du fait que par exemple l’expression “je ne sers plus à rien” renferme les prémices d’une dépression liée à une faible estime de soi.
3- Comment cette catégorie de la population vit cette nouvelle étape de la vie ?
Il est clair que “le vieillissement” a des répercussions irréversibles sur la perception de l’âge psychologique, physique et social, ce qui implique inéluctablement des efforts d’adaptation, d’ajustement et de recadrage.
Le décalage entre le corps de la personne âgée et son propre soi, ou ce que l’on appelle “l’âge subjectif” (la tendance à se sentir plus jeune que son âge réel) demande un ajustement parfois difficile à mettre en place.
Si le contexte marocain garantit un environnement plus ou moins positif en faveur des personnes âgées du fait du soutien social et familial, force est de constater que certaines personnes sombrent dans la dépression au point de perdre l’élan de la vie. C’est ce que l’on appelle le syndrome de glissement.
4- C’est quoi le syndrome de glissement et quels sont ses signes révélateurs ?
Le syndrome de glissement se produit chez les personnes âgées et se caractérise par une détérioration généralisée et rapide de la santé physique et mentale. Il se manifeste par une perte d’appétit, la faiblesse, une perte de poids, un désintérêt pour l’hygiène personnelle et un retrait social.
La perte du conjoint, ou encore la confrontation avec la pulsion de la mort accentuée par le sentiment de la solitude, font que certains cas renoncent à la vie, à se battre pour guérir ou à déployer l’énergie nécessaire pour survivre.
5- Comment les seniors peuvent-ils garder un équilibre entre santé physique et mentale ?
Les objectifs d’un vieillissement en bonne santé seraient de maintenir un état de santé physique et mental, d’éviter les troubles et de rester actif et autonome. Pour la plupart des personnes, conserver un bon état de santé général nécessite de plus en plus d’efforts en vieillissant.
Cela implique, entre autres, l’entretien des relations sociales. Les personnes âgées qui gardent des contacts sociaux, (y compris des activités extérieures), présentent moins de problèmes de santé. De plus, le soutien social reste très important pour le maintien du bien-être et de la qualité de vie de la personne âgée et renforce l’estime de soi.
MAP