La crise du logement en France a pris ces dernières années une ampleur démesurée. Avec près de 15 millions de personnes touchées en 2023, cette crise suscite des inquiétudes croissantes quant à ses conséquences sociales et sociétales.
Dans son nouveau rapport “logement : inégalités à tous les étages” publié récemment, l’organisation internationale de développement “Oxfam France”, alerte sur cette crise dans l’Hexagone, conjuguant souvent plusieurs risques (insalubrité, maladies, précarité, surpeuplement, retards de croissance scolaires..), et les obstacles auxquels les plus précaires font face pour accéder à des logements décents et à des prix abordables.
Ainsi, l’ONG fustige une financiarisation du logement dans le pays (processus par lequel des actifs immobiliers ou d’autres biens deviennent des instruments financiers négociables sur les marchés) et un désengagement des autorités publiques sur ces questions.
“Le premier constat de cette étude est le désengagement progressif de la puissance publique ces dernières décennies et ses effets néfastes sur les inégalités d’accès au logement”, souligne, dans son rapport, l’association spécialisée dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté.
Le soutien financier de l’État, avant massivement tourné vers la construction, est devenu davantage tourné vers le soutien aux plus précaires, à travers les aides personnelles au logement, “rabotées ces dernières années”, note encore le document, faisant remarquer que “la politique du logement est ainsi davantage tournée vers l’accession à la propriété qu’avant”.
Et de faire observer que l’accès au logement est devenu “un parcours du combattant”, notamment pour les plus précaires et même de plus en plus pour les classes moyennes, par l’absence d’un service public du logement réellement efficace, qui soit suffisamment fort pour soutenir ces populations.
D’après Oxfam France, ce désengagement a ouvert la voie au secteur privé et aux investisseurs financiers, jusqu’à la financiarisation du logement aidé. “Ce processus transforme le logement en un produit financier, et aboutit à une gestion avant tout financière du logement, provoquant des déséquilibres importants entre l’offre et la demande sur les marchés du logement”, explique-t-on.
“Cela s’est particulièrement révélé dans le secteur du logement dit intermédiaire, devenu un nouveau marché d’investissements privés rentable, mais pas toujours pour les habitants”, selon l’étude, relevant que cette financiarisation du logement aidé ne contribue pas à rendre le logement intermédiaire abordable.
Cette situation exerce une pression de plus sur un contexte économique et social déjà tendu dans le pays, notamment à cause de l’inflation persistante. Sur le marché immobilier, l’inflation est “galopante” puisqu’en vingt ans, les prix des biens immobiliers ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus bruts des ménages.
Premier poste de dépense contrainte des Français, le logement est passé d’une part de 9,5% du revenu brut des ménages en 1960 à 23% aujourd’hui, voire 32% pour les plus modestes, souligne l’association.
Les inégalités face à l’accès au logement sont “à tous étages”, souligne Oxfam France, selon qui les 25% les plus modestes consacrent deux fois plus de leurs revenus aux dépenses d’habitat que les 25% les plus aisés.
D’après les observateurs, la situation actuelle donne lieu à une série de problèmes sociaux susceptibles d’évoluer rapidement vers une crise sociale et sociétale, accentuant les inégalités socio-économiques et limitant la mobilité des individus, si les autorités publiques ne s’impliquent pas davantage.
Devant cette réalité, Oxfam dresse une série de recommandations, comme “la constitutionnalisation du droit au logement au même niveau que le droit à la propriété”, “le renforcement du service public du logement pour favoriser l’accès à un logement abordable pour tous” et la restriction voire l’interdiction de la présence des acteurs de financiarisation dans le “marché du logement”.
La problématique du logement ne se limite pas à la France, car de nombreux pays font face depuis plusieurs années à la flambée des prix et à une croissance limitée des salaires.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, les prix de l’immobilier ont augmenté de manière structurelle au cours des dernières décennies, dépassant souvent la croissance des revenus des ménages.
D’après Eurostat, les prix des logements en Europe entre 2010 et 2023 ont évolué de 46% et les loyers de 21% dans l’Union Européenne, avec de grandes disparités selon les pays.
MAP