Les Tunisiens appelés le dimanche 24 décembre aux urnes pour élire les membres des conseils locaux, ont déserté les urnes, avec un taux de participation ne dépassant pas les 11,66% des 9 millions d’électeurs recensés par l’autorité électorale du pays.
Dans un climat de désaffection de plus en plus grandissante pour le jeu politique, ce rendez-vous électoral, premier de son genre, n’a pas réussi à mobiliser les électeurs à travers le pays, confirmant les craintes de plusieurs observateurs qui se sont attendus à un boycott massif de ce scrutin.
Le taux de participation vers la mi-journée n’a pas dépassé 5% selon les chiffres communiqués par l’ISIE (instance supérieure indépendante des élections), avant de passer à 7,68% à 15h00 et de se situer dans les environs de 11,66% à 18h00 à la fermeture des urnes.
Lors d’une conférence de presse tenue après la fermeture des bureaux de vote, le président de l’instance indépendante des élections, Farouk Bouasker, a estimé que ce taux est tout “de même respectable”.
Présentant les résultats préliminaires de ce scrutin, il a précisé que sur plus de 9 millions d’inscrits sur les listes électorales, 1 millions 56 mille votants se sont dirigés vers les 4000 bureaux de vote. Les résultats définitifs de ces élections seront annoncés le 27 décembre 2023 et il est fort probable qu’un second tour sera organisé dans un nombre de circonscriptions.
Le président de l’instance des élections a indiqué que les 179 conseils locaux, régionaux et de district ainsi que la deuxième chambre parlementaire entreront en fonction au cours du printemps 2024.
Manifestement, pour les observateurs de la scène politique, cet absentéisme record témoigne d’un désintérêt grandissant pour la politique chez une large frange de la population tunisienne qui assiste à une nouvelle étape d’un processus politique orienté vers une gouvernance par la base.
Le boycott est ainsi devenu la norme dans les derniers rendez-vous électoraux organisés en Tunisie. Depuis le référendum du 25 juillet 2022 et des législatives de décembre 2022- janvier 2023 (plus de 88 % de boycott lors des deux tours), le corps électoral a boudé les urnes, massivement.
La détérioration des conditions de vie, la gestion calamiteuse des pénuries de matières de base essentielle, l’érosion du pouvoir d’achat et l’absence de toute perspective d’avenir sont des facteurs majeurs derrière cet absentéisme.
Ce qui a encore favorisé le faible taux de participation, c’est l’absence de tout débat public, de véritable campagne électorale, le profil des candidats, pour la majorité, méconnues par le public et le caractère complexe de ces élections qui mêlent suffrage universel direct, indirect et tirage au sort que très peu ont saisi les tenants et les aboutissants.
Appelés Dimanche, à élire 2.155 représentants, qui se répartiront dans 279 conseils locaux, les tunisiens ont préféré vaquer à leurs occupations. D’autant plus que le processus initié a de quoi dérouter. En effet, chaque conseil local devra compter parmi ses membres une personne handicapée, qui n’est pas élue. Tous les trois mois, ces conseils locaux procéderont à un tirage au sort pour désigner des représentants qui siégeront dans les 24 conseils régionaux du pays. Chaque conseil régional élira ensuite trois représentants pour siéger à la chambre haute.
Au final, 72 représentants élus par les conseils régionaux et 5 représentants élus par les conseils des districts composeront les 77 représentants du Conseil national des régions et des districts.
L’autre couac, invoqué par les observateurs, concerne le rôle dévolu à cette chambre “qui n’aura ni prérogative décisionnelle, ni prérogative d’exécution”.
Force est de constater que les principales formations politiques du pays ont annoncé leur boycott de ce nouveau rendez-vous électoral, sur fond de profondes divisions sur les modalités de ces élections et le nouveau découpage des circonscriptions électorales.
Des formations d’oppositions tels que le Front du salut national, le Parti destourien libre (PDL) et “Afek Tounes” ont jugé nécessaire la révision de l’arsenal juridique régissant ces échéances, lançant un appel “à toutes les forces vives du pays pour boycotter les prochaines échéances”.
Le front du boycott s’est élargi également aux personnalités indépendantes de plusieurs horizons politique, syndical et civil qui sont montés au créneau pour exprimer leur opposition à ce nouveau chapitre politique.
Dans ce sens, plus de 260 personnalités de la scène politique et de la société civile en Tunisie ont appelé à boycotter les élections locales, dénonçant “un nouveau pas sur la voie de la suppression des institutions de la République démocratique”.
MAP