Les médias marocains s’investissent pleinement dans une lutte rigoureuse contre les fake-news
Les entreprises médiatiques nationales, qu’elles soient publiques ou privées, intensifient leurs efforts pour lutter contre la propagation des fake-news, avec pour objectif de promouvoir un journalisme de qualité, à un moment où ce fléau prend une ampleur alarmante, accentuée par la prédominance des smartphones et des réseaux sociaux.
Les statistiques sont très parlantes. Plus de 99% des internautes marocains entre 12 et 39 ans se connectent aux réseaux sociaux, dont 73% pour plus d’une heure par jour, selon l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT).
Dans cette infobésité, certaines informations sont incorrectes ou inexactes, voire totalement fausses (fake-news), mais toutes peuvent circuler de la même manière, indépendamment de leur source, relève le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) dans un avis intitulé “Les fake news, de la désinformation à l’accès à une information avérée et disponible”.
“Si un certain nombre d’entre elles comportent une part naturelle d’erreurs, d’autres sont produites et diffusées de manière volontaire à des fins malveillantes en vue d’induire le public en erreur (infox)”, note la même source.
Fake-news, un fléau qui se propage à une vitesse alarmante
Dans un entretien à la MAP, le chercheur sociologue Abdellah Herzenni estime que “nous assistons à une propagation considérable des fake-news: Les rumeurs dans le passé se faisaient de bouche à oreille ou par des écrits dans des espaces publics relativement réduits. L’expansion prodigieuse des TIC, notamment l’internet, génère d’importantes vagues d’informations et de communication. Quelques phrases et un clic suffisent pour diffuser toute information, de la petite échelle jusqu’à l’échelle mondiale”.
Et de faire savoir que la facilité de l’usage de l’internet “permet à chacun de s’exprimer à sa manière, dans la forme et dans le fond, en toute liberté, pour le meilleur et pour le pire”.
Un avis partagé par l’enseignant-chercheur en journalisme audiovisuel et numérique à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC) de Rabat, Abdessamad Moutei, qui souligne dans une interview à la MAP, que les fake-news constituent un problème majeur.
“Ces informations trompeuses ou fausses délibérément diffusées dans le but de manipuler l’opinion publique, de semer la confusion ou de générer des clics et des revenus publicitaires, sont propagées généralement via les réseaux sociaux, les sites web douteux, les applications de messagerie instantanée et d’autres canaux en ligne”, relève-t-il, ajoutant que ces informations portent sur différents sujets, tels que la politique, la santé, la religion, l’économie, etc.
Lutte : Outils et contraintes
Pour faire face à ce fléau qui se propage à une vitesse alarmante, le Maroc combine à la fois des approches législatives, éducatives et de sensibilisation pour lutter contre les fake-news, affirme l’Enseignant-chercheur.
“Juridiquement, le Royaume dispose de lois qui réglementent la diffusion de fausses informations, diffamation et calomnie. En vertu de ces lois, les auteurs de la diffusion des fake-news sont poursuivis et punis. Les cas de poursuites judiciaires ont été multiples mais menés avec une approche pédagogique, une démarche très positive dans un pays démocratique en voie de développement”, note-t-il.
Institutionnellement, les organes médiatiques nationaux, tant publics que privés, s’investissent dans la lutte contre les fausses informations afin de promouvoir un journalisme de qualité, l’éthique journalistique et la responsabilité dans la diffusion de l’information, indique-t-il, faisant savoir que des initiatives sont mises en œuvre par plusieurs médias dans cette perspective.
“La MAP, la SNRT et Médi1 TV ont été pionnières dans le lancement des plateformes de vérification des faits aux côtés des médias privés tels que les Décodeurs de L’Économiste ou Hespress Fact-checking ou encore Le Détecteur de Rumeurs de Tel Quel qui jouent un rôle important dans la lutte contre les fake-news et la diffusion de fausses informations au Maroc”, relève le professeur à l’ISIC.
Côté formation et sensibilisation, M. Moutei rappelle que le Conseil National de la Presse a organisé plusieurs sessions de formation à ce sujet et lancé des campagnes de sensibilisation pour informer le public sur les dangers des fake-news et promouvoir la vérification des faits.
“Ces campagnes visent à encourager une consommation responsable de l’information et à développer l’esprit critique chez les citoyens. Aussi, des programmes d’éducation aux médias sont mis en place par l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC) pour former les jeunes générations à la compréhension critique des médias et à la vérification des faits. Ces programmes visent à développer des compétences médiatiques et à promouvoir une consommation responsable de l’information”, ajoute-t-il.
Pour sa part, M. Herzenni préconise de promouvoir la sensibilisation et l’éducation à l’esprit critique, sans oublier l’aspect curatif qui prévaut dans le cadre de la loi (la loi 88-13 relative à la presse et à l’édition, la loi 08-05 relative à la protection des données à caractère personnel et le projet de loi controversé 22-20 concernant l’utilisation des réseaux sociaux et similaires).
“Mais, il faudrait surtout penser au préventif en commençant par l’école. Il faudrait déployer tout un système de sensibilisation aux méfaits des fake-news et en parallèle renforcer l’apprentissage à l’acquisition de l’esprit critique, faculté essentielle absente chez les créateurs et usagers des fake-news”, préconise-t-il, faisant savoir que l’esprit critique “implique des capacités d’analyse rationnelle, l’exigence de sources d’information fiables, la capacité d’identifier ses propres préjugés éventuels et de les mettre de côté”. L’acquisition de l’esprit critique demeure essentielle, aux côtés des efforts, encore perfectibles, de détection, de contrôle et de censure entrepris par les différents prestataires de services internet, les autorités publiques nationales et les organismes internationaux.
Le sociologue français Julien Tardif va encore plus loin en estimant, dans une déclaration à la MAP, qu’apprendre à “faire bon usage du sens moral c’est davantage aider l’autre à manifester sa prise de conscience de la valeur d’autrui, dans un collectif ou une société. Cela permet de ne pas se focaliser uniquement sur la mécanique du raisonnement (vrai ou faux). On travaille ainsi davantage les effets psychologiques et sociaux qui sont à l’œuvre quand on refuse de considérer autrui comme digne de valeur et de respect”.
“A parfois trop se concentrer sur la recherche de personnes douteuses dans leur raisonnement (parfois sans mauvaise intention), on laisse, libre court au développement de pathologies sociales. Celles d’être immoral. Ces pathologies sociales sont bien plus dangereuses, qu’un jugement faussé, car intentionnelles”, ajoute le sociologue français.
MAP
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