Des académiciens marocains et étrangers ont débattu, mercredi à Rabat, des entraves limitant l’efficacité de la fonction d’évaluation des lois par les institutions législatives et les moyens de son amélioration.
Intervenant dans le cadre du “Séminaire sur l’évaluation des lois par l’Institution parlementaire”, organisé, deux jours durant, par le Parlement marocain, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), les participants ont présenté des expériences nationales et internationales en matière d’évaluation des lois, tout en proposant des recommandations à même de surmonter ces difficultés.
Ainsi, Aziz Saidi, professeur de droit public à l’Université Sidi Mohammed ben Abdellah de Fès, a souligné que dans la pratique, la prérogative d’évaluation des lois par le parlement ne s’effectue pas de la manière escomptée sur le plan théorique, eu égard à plusieurs considérations d’ordre juridique mais aussi politique intrinsèque à la sphère parlementaire, citant deux problématiques fondamentales, en l’occurrence la non promulgation de textes réglementaires d’une loi et l’insuffisance des mécanismes d’évaluation parlementaire.
M. Saidi a pointé le retard accusé dans la mise en oeuvre de certaines lois, dont la loi organique relative à l’exception d’inconstitutionnalité, la loi relative aux droits d’auteur et droits voisins et la loi relative à l’Autorité de la parité et de lutte contre toutes les formes de discrimination, notant que le retard dans la mise en œuvre de certaines lois s’explique par l’incapacité de produire les textes réglementaires y afférents dans les délais impartis, ainsi que par le fait que le Parlement n’a pas les moyens d’obliger le gouvernement à mettre en œuvre une loi spécifique.
A cet effet, l’universitaire a appelé à créer une commission spéciale au parlement pour suivre la mise en œuvre des lois et à fixer des dates précises pour la promulgation des textes réglementaires des lois, outre l’introduction dans ces lois de dispositions relatives à l’évaluation, le renforcement de la coopération entre les acteurs dans le domaine de la législation, tout en permettant au parlement de participer à l’élaboration des textes réglementaires.
Il a également plaidé pour renforcement des mécanismes consultatifs à travers l’implication des institutions de gouvernance telles que la Cour des Comptes et le Conseil Economique, Social et Environnemental afin de bénéficier de leurs expériences.
Pour sa part, Karine Gilberg, Professeur de droit à l’Université de Nanterre, Catherine Gilberg, a passé en revue l’expérience de la France en matière d’évaluation des lois et son impact sur la production et l’efficacité des textes législatifs, soulignant que durant la période entre 2008 et 2020, plus de 600 lois ont été adoptées, dont 105 ont fait l’objet d’une post-évaluation par le parlement (282 opérations d’évaluation).
Cette action a donné lieu à des recommandations concernant 74 lois, dont 45 ont été amendées, a ajouté Mme Gillberg qui fait état, néanmoins, de plusieurs obstacles dans le système français, pouvant entraver la réalisation de la fonction d’évaluation parlementaire.
Elle a souligné, à cet égard, la nécessité d’unifier les processus d’évaluation qui sont menés en France par de nombreuses institutions et selon différentes méthodologies (gouvernement, parlement, autorité d’audit, Inspections Générales des ministères etc.), sans compter la présence d’un certain nombre de dispositions d’évaluation dans les textes législatifs.
Ce séminaire vise à mettre en lumière des sujets vitaux pour l’élaboration d’une législation de qualité et à renforcer les capacités des parlementaires, des fonctionnaires des Chambres des représentants et des conseillers dans le domaine de l’évaluation des lois.
Il est organisé dans le cadre des programmes “Appui au mécanisme national de prévention contre la torture (NPM)” et ”renforcement du rôle du Parlement dans la consolidation de la démocratie au Maroc 2020-2024”, financés par l’Union européenne et mis en œuvre par le Conseil de l’Europe, avec le soutien du programme ”Protéger les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie par des normes partagées dans le sud de la Méditerranée” (Programme Sud V).
MAP