La Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse, célébrée le 17 juin de chaque année, constitue l’occasion de s’arrêter sur l’ampleur de ce phénomène nuisible à l’environnement, ainsi que sur les efforts menés pour une gestion durable des terres.
A cet effet, l’expert en changement climatique et décarbonation, Yassine Zegzouti, revient, dans une interview à la MAP, sur l’état des lieux de la sécheresse au Maroc, ses impacts sur les plans environnementaux et socio-économiques, ainsi que les stratégies à mettre en œuvre pour lutter contre la désertification et préserver l’environnement pour les générations futures.
Le Maroc, à l’instar des autres pays du Maghreb, est situé dans un contexte semi-aride à aride, ce qui en fait un pays avec des précipitations faibles, entraînant une sécheresse persistante qui s’installe durablement. L’impact de cette situation a été particulièrement visible à plusieurs niveaux, en commençant par le niveau des réserves des barrages qui n’atteignait que 31,79% au 3 avril 2024, affectant directement l’approvisionnement en eau des grands périmètres irrigués.
Le pays a perdu 20% de ses surfaces cultivées en raison de cette sécheresse persistante. La superficie des cultures d’automne et d’hiver a diminué de 31%, passant à 2,5 millions d’hectares contre 4 millions lors des campagnes normales.
La gestion de cette sécheresse est complexe, notamment en raison des externalités comme les changements climatiques et les turbulences géopolitiques, qui amplifient le phénomène climatique et ses impacts.
Il est également essentiel de souligner que malgré ces défis, le Maroc a réussi à surmonter cette situation alarmante qui met en péril la sécurité alimentaire de plusieurs pays de la région.
En dépit d’une sécheresse persistante ces six dernières années, le Maroc a réussi, grâce à la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à assurer sa sécurité alimentaire. En effet, le Souverain a toujours placé la sécurité alimentaire au cœur des priorités stratégiques du Royaume.
Au-delà de son territoire, le Royaume du Maroc cherche aussi à promouvoir la sécurité alimentaire en Afrique dans le cadre de la coopération Sud-Sud prônée par Sa Majesté le Roi.
Dans ce cadre, et pour remédier à cette sécheresse devenue structurelle, le gouvernement marocain a déjà pris des mesures pour atténuer les effets de la sécheresse, telles que la subvention des semences, des engrais et des aliments pour le bétail.
Le gouvernement investit également dans le dessalement de l’eau de mer, avec sept nouvelles usines en projet qui s’ajouteront aux douze existantes, visant à atteindre une capacité de production de 1,4 milliard de mètres cubes par an d’ici 2030. De plus, de nouveaux barrages et des stations de recyclage des eaux usées sont prévus pour renforcer la gestion de l’eau dans le pays.
Les impacts de la sécheresse au Maroc sont importants, se présentent en cascade et à plusieurs niveaux, aussi bien environnementaux que socio-économiques. Tout d’abord, l’impact évident sur les ressources en eau, comme cela a été mentionné auparavant, se traduit par une baisse drastique des précipitations, réduisant ainsi le niveau des rivières, des lacs et des nappes phréatiques. Cela menace l’approvisionnement en eau potable pour les populations et l’irrigation pour l’agriculture.
En dehors des ressources en eau, la sécheresse a des impacts significatifs sur la qualité de l’air, le sol et la biodiversité. D’une part, elle augmente les tempêtes de sable et de poussière en favorisant la désertification et l’érosion éolienne, ce qui détériore la visibilité et aggrave les problèmes respiratoires. La diminution de l’humidité atmosphérique perturbe les cycles climatiques et accroît le risque d’incendies de forêt.
D’autre part, la sécheresse accroît l’érosion des sols, compromettant leur fertilité et entraînant la salinisation, ce qui affecte négativement la productivité agricole.
Enfin, étant donné que le Maroc possède une biodiversité riche et unique, la sécheresse induit la perte d’habitats naturels, tels que les zones humides, réduisant ainsi les ressources en eau pour les espèces aquatiques et perturbant les chaînes alimentaires par la modification des relations prédateur-proie.
L’impact est particulièrement important au Maroc, où l’agriculture est un pilier de l’économie. Cette situation se traduit par une perte de l’activité agricole dans certaines régions. Cela a aussi poussé les agriculteurs de certaines régions à utiliser massivement les eaux souterraines pour l’irrigation, ce qui a affecté le niveau de la nappe phréatique.
Ce genre de situation entraîne des déplacements des agriculteurs vers d’autres régions avec des ressources souterraines plus importantes, avec des impacts négatifs, parfois importants, tels que l’aggravation du chômage, l’élargissement de la précarité et de la pauvreté dans les zones rurales et périurbaines, l’intensification de l’exode rural et de l’immigration.
Le Maroc, en tant que membre actif de la communauté internationale, s’est engagé depuis longtemps à adopter des mesures d’atténuation et d’adaptation pour limiter les effets du changement climatique, notamment en ce qui concerne la désertification. En outre, le Maroc s’est engagé à mettre en œuvre les 17 Objectifs de développement durable (ODD), dont certains (ODD 2, 6, 13 et 15) couvrent la gestion des sécheresses.
Ces stratégies et objectifs nécessitent d’être déclinés au niveau local et régional et doivent être intégrés dans les plans d’action communaux ainsi que dans les plans de développement des régions. Cette intégration donnera lieu à plusieurs stratégies et projets appelant à des mesures favorables à la lutte contre la sécheresse, comme la rationalisation et l’optimisation de la consommation d’eau.
Une déclinaison à l’échelle locale permettra également de sensibiliser les agriculteurs aux bonnes pratiques agricoles qui peuvent réduire la consommation d’eau, en leur montrant des techniques de recyclage et de réutilisation de l’eau, ainsi que les types de cultures qui nécessitent moins d’eau et celles qui peuvent résister à la sécheresse.
À ce propos, les subventions sont toujours souhaitables pour encourager les agriculteurs, mais il doit y avoir des mesures pour s’assurer que ces subventions ne conduisent pas à une consommation excessive des ressources en eau.
En outre, parmi les volets sur lesquels le Maroc mise figure le dessalement de l’eau de mer, qui est une des solutions visant à répondre aux besoins en eau dans les années à venir.
Parallèlement à ces efforts pour lutter contre la sécheresse, l’hydrogène vert émerge comme une solution d’avenir pour produire une source d’énergie propre.
MAP